Les mobs

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par  Gérard Cortès

Vers la fin septembre 1958, je décide de quitter l’école, j’arrête mes études, et je rentre au Service Hydraulique comme aide-dessinateur rue Arago, la rue qui descend des portes de Tiaret vers les Abattoirs, le marché à bestiaux où l’on faisait des descentes avec les carricos.
C’est l’époque des scooters, Vespa, Lambretta, Rumi. Pour ce dernier, il faisait un bruit de sirène, et à Mascara, il n’y en avait qu’un ou deux au maximum.
Voilà ma première paye, 240 Francs à l’époque, et je tente de persuader mes parents pour l’achat d’un Lambretta 150 cm3. Mon père n’est pas chaud pour cet achat, mais après un ou deux mois de réflexion, il me demande de me rendre chez Gilbert Mamane, le vendeur agréé Motobécane, juste à côté de chez Blazy, près de l’Hôtel des Colonies. Après le travail, donc à 18 heures 30, me voilà chez Mamane. Mon père m’attend sur le trottoir, il vient de quitter lui aussi son service, il est donc en tenue de flic, et les gens qui ne savent pas que nous sommes père et fils me regardent bizarrement, pensant que je me suis fait prendre à faire une connerie. Bref, mon père me dit : « Allez ! Rentre ! Viens voir la surprise. » En effet, Monsieur Mamane donne un dernier coup de clef à la roue arrière d’une mobylette rouge flambant neuf, fourche télescopique avant, compteur kilométrique sur le phare, réservoir chromé, amortisseur arrière, etc… « Voilà ! Elle est à toi, rentre à la maison, mais surtout, fais bien attention aux voitures. » Deux mois plus tard, cette mob est transformée : une selle noire biplaces remplace celle d’origine, deux repose-pieds sont fixés sur l’axe de la roue arrière et surtout, la sortie du pot d’échappement possède deux tubes au lieu d’un. Mais ce que l’on ne peut pas voir, c’est que les chicanes intérieures du pot n’existent plus, et cela donne un bruit assez caractéristique. Cette modification se faisait aussi sur les scooters. Je peux même dire que nous sommes tellement familiarisés avec ces bruits que nous sommes capables de dire : « Devinez ! Ça, c’est Popol Petiquenot, c’est Alexis Ripoll, c’est Gérard Cortès, c’est Jean-Paul Gonzalès, etc… » Notre Q.G. était la place Gambetta, face au théâtre, devant chez Torrès, le Marignan. Il y avait toujours quatre à cinq mobs garées en épis, trois ou quatre bleues, et une rouge, la seule à Mascara.
Nous faisions de sacrées promenades : Saint-André, Saint-Hippolyte, dans les bois de pins et de chênes, à faire du cross, à Palikao surtout, quand on descendait les trois tournants à une vitesse assez importante, à l’époque 60 à 70 kilomètres/heure. Les copains disaient : « Tiens ! Les aviqui passent. » On allait aussi à Cacherou, à Froha, se baigner chez Heintz. Le bassin était rond, profond de plus de deux mètres au bord et au milieu, il devait y avoir 1,50 mètre à 1,60 mètre. L’eau était claire, mais assez froide, même en plein soleil. Un jour, deux copains, J.P. Bruner et J.M. Oliver ont eu l’audace d’aller à Port-aux-Poules avec leurs mobs, pour deux jours. Nous étions assez doués pour décalaminer le pot, changer les segments, le piston, la bielle et bien régler l’écartement des vis platinées, du volant magnétique. On installait même un système qui allumait un feu rouge lorsqu’on actionnait le frein arrière.
Puis après cette époque, arrivent les 18 ans, permis de conduire en 1960, et la première bagnole : la 2 CV Citroën.