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Je me souviens des bergers du temps passé

Il fait froid dehors et nous autour de la cheminée,

Nous écoutions sages et intéressés,

Les mille et une histoires de Shérazade racontées,

Par nos parents médusés de nos grands yeux ouverts.

Les bois de la vigne crépitent dans la cheminée,

Dégageant une odeur à nulle autre pareille,

L’odeur du bois vert et parfumé,

Capable d’enivrer encore le garçon que je suis resté.

De temps en temps un hibou interrompait

Les histoires et nous voilà transportés

Dans un autre monde que les mille et une nuits

Ont contribué à créer,

Monde de fantômes, de revenants,

Monde ou tout se mêle le mort et le vivant,

Puis d’un coup de fusil mon père, à la réalité

Nous ramène, le hibou est mort et nous d’enchantés

Nous revenons au monde des vérités

La nuit s’avance et il nous faut affronter

La cour glacée pour aller nous coucher.

Je me souviens de ce chemin si redouté,

Le matin dans le noir alors qu’à peine éveillés,

Foulant l’herbe pleine de rosée nous étions pressés

D’aller admirer le soleil se lever.

Quelle merveille de voir ce troupeau partir,

Les bergers le suivant d’un pas lent et les yeux cernés.

Je me remémore ces instants ou le givre

Glaçait même la respiration de ces petits garçons

Enfouis dans leur burnous, fuyant le froid.

Nous, nous le bravions ignorants

Sa rigueur que d’autre allaient affronter

Tout le reste de cette longue journée,

Alors que nous allions rentrer déjeuner,

Bien au chaud attendant avec impatience,

Certes mais avec indécence, le retour du troupeau.

Ces visages givrés qui rentraient

Ne disait rien jusqu’au verre de lait

Qu’on leur offrait et leur regard illuminé

Semblait dire, non pas merci, comme à l’accoutumée,

Mais plutôt vous voyez nous résistons même aux gelées.

Dehors le soir tombe et les torches allumés,

Recommencent leur ronde devant nos yeux amusés

Bientôt, nos paupières alourdies pas le sommeil,

Nous traînent vers nos lits et nos rêves de merveilles.

Enfin l’hiver nous quitte et avec regret

Nous réintégrons la douceur de vivre et jouer,

Sans se soucier du froid et ses courtes journées.

Le temps est à nous, le jour est plus long.

Profitant de tous les instants humant toutes les odeurs

Naissantes et encore vertes des citronniers, orangers

Et autres senteurs faites pour notre bonheur.

Nous écoutions le chant des oiseaux tels des violons

Arrachant de leurs archers le cri du cœur,

Celui qui fait chavirer les têtes des aimants et des aimés.

Bientôt le blond des blés remplace le vert du printemps.

Que dire de cette journée où le berger exténué

Rentrait les vêtements trempés d’avoir transpiré.

La chaleur torride abat même les oiseaux !

Qui ose dire qu’il n’ y a que le froid qui engourdisse.

Rasant les murs, hommes et moineaux recherchait

La verdure brûlante et brûlée

Ou la fraîcheur des souks tant espérée

En de pareils endroits, enclos, ouverts à tous vents

Que chacun d’entre nous espérait voir souffler…

En vain ! l’été n’est-il pas là pour nous faire apprécier

La douceur de l’hiver si glacé avec ses cheminées.

L’homme éternel insatisfait sait quand même apprécier

L’AMITIE.

Le berger adoucit les longues veillées

De ses airs de flûte où la mélancolie

Se mêlant à la joie donne une autre dimension à la vie :

                   L’INFINI

 

Kader BENCHENANE

  

          

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