Le salto manqué de Miliani

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Le réfectoire du collège de Mascara, était une grande pièce éclairée par de larges fenêtres vitrées, le mobilier était sobre, sinon inexistant.
Une vingtaine de tables en bois, disposées en deux rangées de dix, étaient séparées par un large couloir.
Les professeurs et les surveillants mangeaient dans une salle attenante aussi spartiate et leurs menus étaient identiques aux nôtres.
Dans cette grande salle, à douze heures trente et à vingt heures, cent cinquante élèves prenaient leurs repas.
L'ambiance était feutrée, le bruit et le vacarme bannis par un surveillant général peu tolérant, ayant comme les mouches, des yeux à facettes.
A chaque table prenaient places huit élèves.
Un chef de table généralement un élève de première était chargé de la discipline,  un sous chef de seconde distribuait le contenu les plats que Saïd, l'aide cuisinier déposaient sur les tables.
 Après que le chef de table se soit servi.
Cela se passait dans les années 1946, juste après la guerre.
 Nous n'avions qu'un morceau de pain pour vingt quatre heures et il fallait tenir avec trois repas.
La vaisselle n'était ni de porcelaine et encore moins de faïence!!!!
Nos assiettes ou plutôt nos gamelles étaient en aluminium et les verres de simples gobelets du même métal.
Les repas toujours silencieux et Miliani, les mains toujours derrières le dos(çà a son importance), allait et venait d'un air martial, faisait les cents pas dans le couloir.
Il avait l'oeil pointu et rien ne lui échappait.....
Quand un potache se manifestait à voix haute, dépassant l'octave autorisé,notre centaure, lui faisait un signe discret lui indiquant la porte.
Au passage de l'élève,(toujours avec les mains derrières le dos), il lui envoyait un magistral coup de botte qui atteignait toujours son but et faisait avancer plus vite que prévu le malheureux récipiendaire.
Je crois que cela lui produisait une réelle satisfaction, une profonde  jubilation intérieure, son visage exprimait une joie qu'il ne savait pas dissimuler.
Un jour, mon Ami Pérez Jean, comique et fantasque à ses heures fut le point de mire de notre buteur.
Invité à aller faire un tour sous les galeries, il se leva sans hâte, tout en observant d'un oeil rieur et provocateur, le révérend père MILIANI.
Jean était futé,excellent observateur et surtout très bon sportif.?
Depuis longtemps il connaissait les feintes de son pourfendeur et alors qu'il passait devant le surveillant, celui-ci déplia sa longue jambe droite avec (toujours les mains derrières le dos) et lança avec force et vitesse son pied vers le bas du dos du proscrit.
En bon sportif, Jean esquiva l'attaque, se cambra, porta ses mains en arrière comme dans un geste de protection et profita de l'occasion pour saisir le pied de l'attaquant
tout en le tirant vers le haut. 
Déséquilibré dans son mouvement manqué, déstabilisé par la feinte et l'esquive de sa victime, il s'affala de tout son long dans le couloir ne pouvant se retenir à aucune table.(A cause des mains derrières le dos)
Bon perdant, il se releva, prétexta qu'il avait glissé, ne fit aucun reproche à Jean qui avait filé, mais pestant contre Saïd, à qui il reprocha d'avoir mal fait le ménage.
 
 
                                                                                                                             Camège