par Gérard Cortès Souvenez-vous de Souvenir, le photographe de l’église. Si ma mémoire est
bonne, il faisait surtout les photos d’identités, en noir et blanc, et à la
minute.
Bien ! Je vais vous raconter une histoire, assez marrante, dont mon père,
agent de police, a été témoin.
C’était aux environs de 11 heures 30. Mon père allait prendre son service.
Il se dirigeait donc vers le commissariat, et à hauteur du café Beneito,
quelqu’un l’interpelle :
« Ya missio boulice, arouah, si ou plait ! »
Mon père surpris regarde vers sa droite et voit le photographe Sauveur
avec un musulman qui semblait vraiment en colère. Aussitôt, mon père se
précipite vers les deux hommes et comme il parlait couramment l’arabe, il
n’eut pas de mal à questionner ce musulman et à deviner, ou plutôt à
comprendre, la cause de sa colère. Voilà ce qui s’était passé : le musulman
était venu se faire faire des photos d’identités, donc le photographe le
fait asseoir sur la chaise et lui demande de ne pas bouger, et au moment où
il déclenche son appareil, le musulman bouge la tête. Quelques minutes plus
tard, en regardant sa photo, le musulman se passe la main droite sur le côté
droit de la figure, puis sur le côté gauche, et sa réaction est assez
violente. Il dit au photographe :
« Tu m’as coupé une oreille. Moi, j’en ai deux. Tu fais du mauvais travail.
Je ne te paie pas. Je vais moi aussi te couper la tête, la gorge. »
mais bien sûr en arabe. Heureusement que mon père parlait bien l’arabe. Cela
lui a permis de faire comprendre à cet homme qui vraisemblablement venait
d’un douar proche de Mascara, que lorsque le photographe a déclenché son
appareil, il avait un peu bougé la tête, donc la photo était prise
légèrement de profil, c’est pourquoi il ne pouvait pas voir ses deux
oreilles. Quelques secondes de réflexion et le musulman comprit ; il ne
savait plus quoi faire ou dire pour s’excuser auprès du photographe et vas-y
:
« Merci, missio boulice, semah-ni, excuse-moi. »
L’affaire se termina bien : la photo fut reprise, mais sans bouger cette
fois. En voyant la seconde photo, il se mit à rire et partit vers la rue
d’Oran, direction Bab-Ali en tapant le sol avec sa matraque en bois
d’olivier « Séboutch »
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