Place Gambetta et...les rempares

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Place Gambetta qui reste au centre de nos souvenirs et notre imaginaire collectif que les mascaréens d'aujourd'hui se sont réapproprié en la renomment, place de l'émir Abdelkader, tout un symbole. Cette place, grandie dans ma mémoire déformée par le temps et les presque cinquante ans qui ont passé, bordée par les cafés qui en faisaient le tour ou les hommes se réunissaient en petits groupes pour "faire la tournée", allant de café en café et payant à tour de rôle chacun sa tournée, la présence d'une femme dans un café de la place étant impensable pour notre mentalité provinciale. Une femme respectable se devait comme me le disait ma mère,"s'attabler" à la terrasse des cafés avec mari et enfants, tous biens habillés et dignes parce que "il fallait tenir son rang et faire honneur a sa famille". À la terrasse de chez Coste on dégustait des glaces, Elie à l'angle de la place était réputé pour ses "oualimon" mélanges de glace pilée et de jus de citron.

Sur l'autre côté de la place il y avait un vieux caroubier dont les fruits allongés et secs jonchaient le sol, personne ne les ramassait, personne n'en mangeait, pourquoi je ne sais plus. De ce côté-ci débouchaient les soirs d'été ceux "qui faisaient le boulevard" ce qui consistait, jeunes gens d'un côté sur une moitié de la rue menant à la sous-préfecture et sa petite place ombragée, jeunes filles de l'autre côté, de préférence au bras de leur mère ou d'une copine, pour vérifier que les garçons d'en face en les croisant "ne leurs manquaient pas de respect"

Au centre de la place trônait le kiosque avec son architecture qui dans ma mémoire s'anime le 13 mai 1958, je revois la petite foule assemblée autour du kiosque écoutant le discours enflammé d'un orateur parlant d'un gouvernement de salut public, je n'y comprenais rien, mais que d'illusions quand même.

Place Gambetta à propos de laquelle me reviennent deux souvenirs douloureux dont m'a parlé mon père: celui du lieu de rassemblement des partisans de Pétain chantant " maréchal nous voila", celui de mon père me montrant du doigt les bancs publics peints en vert de la place en me disant "tu vois ces bancs, nous juifs en 40, il nous était interdit de s'y asseoir, je pardonne, mais n'oublie pas .

De l'autre coté de la place Gambetta , il y avait ce charmant petit jardin aux orangers, juste derrière la mairie, et ensuite une rue longue qui menait au commissariat, posté juste devant les remparts, frontière visible et invisible entre deux mondes, celui des gens de la place  Gambetta et celui de Bab Ali où très tôt on m'a interdit de m'y aventurer, monde tellement différent par l'architecture mauresque et que je pouvais apercevoir au soleil couchant la propriété Bancharelle.

Daniel DAHAN