La chasse et les pièges

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par Gérard Cortés


Je me souviens très bien, nous n’avions pas école les jeudis. Un mercredi soir mon père en rentrant du travail, après le soupé me dit: tu veux venir avec moi demain poser les pièges ?
Lorsque mon père était de repos le mercredi et qu’il avait prévu « de poser les pièges» , il m’invitait à venir avec lui, parce qu’il savait que cela me faisait plaisir, d’aller chercher des « gros vers blancs ».
On prenait une binette et une boîte de conserve vide et on allait derrière le terrain de basket « Soupir »
Chez Mercier on choisissait un endroit et à chaque coup de binette, mon père écrasait la motte et souvent 1 ou 2 vers étaient là , on les mettait dans la boîte de conserve et à chaque ver posé dans la boîte on posait une couche de terre et cela tant que la boîte n’était pas pleine.
Moi toujours disposé, aimant la nature et surtout ne pas faire des devoirs de classe, je me réjouissais d’accepter et déjà je voyais le déroulement de la journée.
Je partais au lit avec joie et avant de m’endormir j’imaginais les différentes étapes de la matinée du lendemain.
Le jeudi matin j’étais réveillé depuis longtemps quand mon père m’appelait doucement pour ne pas réveiller les autres . On prenait le petit déjeuner « café au lait avec des fois un morceau de mona déjà rassie ». On préparait la musette avec un casse croûte pour deux, à coté enveloppée dans du journal la boîte de vers blancs et les pièges, qui souvent avaient encore des restes de ver de la dernière fois, et une petite binette. Mon père prenait également la carabine 6 mm « Manufacture de saint Étienne » et dans une poche une poignée de cartouches.
Aussitôt sortis de la maison, mon père me confiait la carabine que je mettais en bandoulière sur l’épaule, j’étais fier et heureux d’accompagner mon père qui lui aussi aimait ce loisir.
Nous descendions la rue de Médéa jusqu’au collège de garçons, nous prenons à gauche devant chez ORTEGA SMADJA AZERAD l’ébéniste la grande carrière, nous longions la caserne de la légion « quartier benzoïque », arrivés aux portes de TIARET nous nous engageant juste derrière la maison du maire Mr MALLET dans le champ de MERCIER.
Les oliviers étendaient devant nous comme une armée romaine « bien alignés sur une vaste étendue ». Nous traversons cette zone et là le chemin menant à la ferme MERCIER « les gérants se nommaient BELDA », nous obligea à faire une halte, car nous avions quand même parcouru un bon bout de chemin.
Nous reprenons notre expédition mon père avait une technique bien particulière pour poser les pièges.
On prenait par exemple la première rangée d’olivier,et 1 sur 3 on posait un piège, avec la binette mon père formait un petit talus, il posait le piège avec un ver, mais bien en face d’un olivier, la terre étant remuée, le ver touchait la terre et bougeait .
Sur les autres rangées d’olivier c’est toujours un piège sur trois mais décalés par rapport à la première rangée, et ainsi de suite jusqu’à épuisement de pièges.
Lorsque la pose de piège était terminée, on trouvait soit une vielle souche ou bien un caillou pour s’asseoir et faire le point .
Soudain mon père me disait, passe moi la carabine et ne bouge pas, il avait vu assez loin une ou deux
Alouettes qui sautillaient et chantaient. Il s’approchait le plus possible, assez lentement, mais souvent, juste avant qu’il tire ces oiseaux s’envolaient comme si quelqu’un les avait prévenus du danger. Et bien tant pis, il sortait le casse-croûte « pain avec du fromage des olives cassées une orange des dates et des figues sèches ».
Cela étant fait, il fumait une cigarette avec volupté, et aussitôt après nous voilà à faire la reconnaissance des pièges. Tiens un étourneau, ré armature du piège, etc., un autre étourneau, rien, rien ah une grive, selon notre chance, on récupérait 5 ou 6 proies, mais à peine le tour terminé on recommençait cela nous prenait plus d’une heure, et à chaque fois quelques oiseaux étaient pris aux pièges.
Déjà 10 h 30, mon père reprenait une autre cigarette et à peine celle-ci terminée, nous voilà d’attaque pour la dernière tournée. Au fur et à mesure que nous contrôlions les pièges, qu’il y ait ou pas de prise, les pièges sont récupérés, la terre est de nouveau étalée et toutes traces de notre passage sont effacées.
La tournée terminée nous reprenons le chemin du retour, satisfait de notre « chasse », mais surtout d’avoir marché dans les champs sous les oliviers malgré le soleil qui commençait à nous chauffer le « casque ». Arrivés à la maison, on était fier de déposer notre « butin » et mon père s‘empressant de dire, voilà ce soir on mange des grives et des étourneaux.
D'autres fois, nous changions d’endroit, nous allions vers le bassin carré chez BATOUCH , là aussi il y avait des oliviers, mais le parcours était totalement différent, on descend vers quartier « arabe », du collège des garçons, on sort par une meurtrière remparts, on prend les tournants qui rejoignent le moulin BEY on arrive au croisement à gauche direction MOUSSA, PALIKAO , tout droit on arrive en bas de SAINT ANDRÉ route de FROHA. Là aussi lorsqu’on pose les pièges on met des fois une olive noire au lieu d’un ver de terre. Ce dont je me rappelle aussi c’est qu’à un endroit il y a des rangées de pavots « opium » cultivé par BATOUCHE. Mon père m’interdisait de toucher à ces coquelicots-là par contre on attrapait que des grives, et en plus le chemin était plus long et plus fatiguant.